Imaginez que vous achetiez une voiture sur un site par correspondance (je sais personne ne fait ça, mais imaginez).
Vous
voici sur le site de Porsche , les voitures sont belles, rutilantes et
vous craquez, vous commandez une voiture.
Vous voici livré.
Vous ouvrez le capot et là,
vous découvrez un moteur de... 2 CV.
Voilà
ce que j’ai ressenti lorsque j’ai ouvert le livre que j’ai
commandé récemment.
Sur un groupe de discussion, j’avais
entendu parlé de ce livre par une personne débutante qui voulait
notre avis, savoir si il s’agit d’un livre intéressant lorsque
l’on est débutant dans le BDSM.
Tout
d’abord, petit tour sur les réseaux sociaux pour en connaître
d’avantage sur l’auteur et
prise de renseignements auprès de quelques personnes.
Mais je me dis «voyons le contenu, peut être que derrière ce marketing, il y a du fond» alors je commande le livre destiné aux débutants (sur un site marchand, parce que la version parfumée à 5€ de plus, non merci)
Donc, je reçois le livre.
Là, je découvre une taille de police de caractères de livre pour enfant niveau CP (2 fois la taille standard utilisée pour un livre de poche), sur 62 pages, 22 lignes (3-4 phrases) par page, forcément je me dis «10€ pour ça... 🤔».
Et
puis je lis le livre en…
1/2 heure… Bon, au
moins, pas de quoi être
fatigué…
Venons
en maintenant au contenu.
Après lecture, je dirai que ce livre est une approche
extrêmement succincte de ce qu’est le BDSM et une relation Ds. Pas
d’énormités, pas d’erreurs, toutes les grandes lignes y sont,
mais tout est traité en surface.
Les point positifs de ce livre :
- présentation du BDSM ;
- incitation à partager ses envies et fantasmes dans le couple (même hors BDSM), prône la communication entre les partenaires ;
- parle du consentement, du safeword (et geste de sécurité) , de l’aftercare et de l’importance de ces points ;
- précise que le BDSM peut ne pas être sexualisé.
Maintenant, les choses qui m’ont faite tiquer :
sur le plan BDSM
- il parle bien de la check-list, par contre il semble utiliser une check-list quelque peu dépassée (limitée à «j’aime», «je n’aime pas», «pourquoi pas»). Il en existe d’autres offrant plus d’éléments de réponses. Comment une personne totalement novice pourrait-elle remplir sa liste si elle n’a pas expérimentée telle ou telle pratique ?
- on voit apparaître l’acronyme CNC à la 14e page ! Et en plus, il réduit le CNC à «un viol théâtralisé».
Alors d’une part le CNC ne se réduit pas à ce qu’il en dit mais, en plus, parler de CNC dans un ouvrage à destination de novices est, selon moi, dangereux car la porte ouverte à des erreurs voir des abus pour des personnes qui débutent et qui n’ont donc pas encore un minimum d’expérience dans les relations BDSM ;
- s’il parle bien de sécurité, ce n’est que de manière parcimonieuse et diluée (bien qu’ensuite à nouveau rassemblée dans un chapitre dédié) et, en plus, avec quelques aberrations (sauf pour le safeword bien abordé)
désinfection des accessoires;
avertissement pour le shibari (risque de compression des nerfs) mais conseille juste «une initiation auprès d’une personne qualifiée» avant de se lancer avec des cordes (initiation au Shibari, voilà qui me paraît bien léger avant de le pratiquer);
donne quelques conseils pour les jeux de cire, mais ne mentionne nulle part quelles cires utiliser ou ne pas utiliser;
avertissement de «ne pas pratiquer en ayant pris des substances ou de l’alcool qui pourraient alerter le comportement et facultés à réagir en cas de problème» mais... vous verrez plus loin pourquoi je mets ce «mais»;
pour le breathplay : "Si vous pratiquez les jeux de respiration retenez votre souffle en même temps que celle de la personne soumise et n'hésitez pas à compter mentalement pendant les phase d'asphyxie pour conserver toujours une prise réelle avec la scène qui se déroule."
En voila une bonne idée en tant que Dom de risquer de mettre son propre cerveau en hypoxie et de risquer un malaise en pleine séance de breathplay ou juste une altération de ses facultés (perte de vigilance, de concentration sur la personne soumise, allongement du temps de réaction en cas de problème) !
3 pages de sécurité contre 5 pages pour parler des colliers.
Sur le plan «humain»
- l’auteur s’adresse au lecteur en le tutoyant :
perso je n’ai pas élevé les cochons avec lui donc le vouvoiement reste de mise;
Ici, on sent clairement que le tutoiement a pour objectif de le placer lui dans la stature de «supérieur» qui inonde de son savoir les pauvres ignorants/ inférieurs que sont ses lecteurs.
- mention spéciale pour son avertissement de «ne pas pratiquer en ayant pris des substances ou de l’alcool qui pourraient alerter le comportement et facultés à réagir en cas de problème» mais qui au regard de sa vente de poppers sur son site internet (pour les deux partenaires), sonne comme un «faites ce que je dis, pas ce que je fais» ;
- il propose sur son site une check-list gratuite : pour l’obtenir, il faut s’inscrire «nom - prénom - mail» et faire un paiement de 0€. Vous allez me demander où est le problème ? Le problème est simple, c’est que même pour un document «gratuit» vous vous retrouvez à communiquer des informations personnelles (que bien sur il collecte donc on retrouve l’adage «quand c’est gratuit, c’est vous le produit» sauf que là se sont vos données) alors qu’il lui serait très facile de le mettre en version téléchargeable.
Mais ce qui m’a mise mal à l’aise, c’est son insistance à mettre «consenti» à tout bout de champ et le fait qu’il consacre 7 pages du livres (contre 3 pour la sécu) à défendre que le BDSM n’est pas antiféministe ni «pro-patriarcal».
Partant du principe que lorsque l’on
expose dès le départ que le BDSM est une activité entre
partenaires
consentants,
je ne comprends pas l’utilité d’en
remettre des couches et, si on est au clair avec son rapport
Dom/soumise, de justifier sa pratique.
Vous allez dire que je
vois le mal partout mais perso plus un homme cis dom parle de
féminisme et se défend d’être patriarcal, plus j’ai des
voyants rouges qui s’allument.
Comme dit un ami : «Plus
on étale sa vertu, plus on a à cacher».
Il suffit de penser
au cas de Tariq Ramadan ou de voir ce mec sur Fetlife qui multiplie
les commentaires et posts pro-féministes mais dont beaucoup savent
qu’il a déjà été accusé de viol.
Je
terminerai en ajoutant que si, après au moins 3 ans (délai entre son
premier livre -récit de sa relation avec sa soumise- et celui-ci) de
pratique du
BDSM, il n’est capable de n’apporter que ce genre de conseils à
des novices/débutants, cela m’inspire que soit il s’agit d’un
escroc soit une personne qui n’a toujours pas les bases pour
pratiquer un BDSM sain safe et secure… ou les deux.
En conclusion :
L’auteur est clairement dans une démarche mercantile, le BDSM étant devenu le dernier filon à la mode.
Ce
livre pourrait tout à fait être entre les mains d’une personne
qui voudrait avoir une première idée de ce qu’est le
BDSM, mais surtout rien
de plus !
Ainsi,
contrairement à ce qui
est laissé
entendre, ce livre ne
suffira jamais à qui que ce soit pour se lancer dans le BDSM… ou
juste à «fabriquer» des kékédoms.
En bref, inutile de
dépenser de l’argent en achetant ce livre car ce qu’il contient
vous le trouverez (en plus
sérieux) en faisant
quelques recherches sur internet
vous y trouverez des sites sérieux qui eux ne se contenteront pas d’aborder le BDSM de façon superficielle mais en profondeur ;
si vous voulez savoir ce qu’est une relation Ds, il y a des blogs de témoignages très bien fait qui vous permettront de connaître un vécu véritable ;
N’hésitez pas non plus à échanger avec des personnes diverses et variées en réel comme en virtuel, pour vous enrichir de ressentis et expériences diverses.
Et
en plus, c’est gratuit.
Et
si vous voulez acheter un livre pour découvrir le BDSM alors
renseignez-vous auprès de plusieurs pratiquants sérieux qui sauront
vous guider et ne vous laissez pas éblouir par une «belle
carrosserie» (sur-exposition sur les réseaux et visuels dignes
d’une pub).
Mais
bon, si ça vous fait mouiller la petite culotte ou
le caleçon d’avoir
un livre parfumé du «Christian Grey» français (NB : je ne
choisis pas cette référence sans raison vous l’aurez compris
après m’avoir lue)
rien ne vous en empêche.
NB :
j’ai bien aimé ces deux petites «perles» :
«50 nuances de Gray» au lieu de «Grey»
«safemoove» au lieu de «safemove»